PATRICIA ABDOU EL ANIOU
1996
Les problèmes de la conceptualisation de l'art chorégraphique
Doctorat, dpt danse de l'université Paris 8, sous la direction de Michel Bernard
PATRICK ACOGNY
2010
Les techniques des danses africaines et leur expansion en France. Transmission et genèse des corporéités interculturelles
Doctorat, université Paris 8, sous la direction de Jean-Marie Pradier
SANJA ANDUS
2009
Les Archives Internationales de la Danse (1931-1952), un projet inachevé
Doctorat, université Paris 8, sous la direction de Christian Corre et Isabelle Launay
Fondation créée à Paris le 16 juin 1931 par Rolf de Maré et dirigée par Pierre Tugal en souvenir des Ballets suédois et de Jean Börlin, les Archives Internationales de la Danse (A.I.D.) se donnèrent pour objectif de centraliser tous les documents ayant trait à la danse dans tous les pays du monde, de constituer un musée de la danse, une bibliothèque, un office de documentation et de renseignements, un service d'archives, un département sociologique et ethnographique, une salle de conférences et de démonstrations ainsi qu'une salle d'expositions. L'objet de cette thèse est de reconstituer l'histoire de la Fondation et de proposer une analyse de ses principaux chantiers : les différents concours entre 1932 et 1947, le projet muséal ainsi que la conception du projet scientifique en prenant comme point de départ méthodologique, une enquête auprès des témoins de l'époque - les artistes chorégraphiques. Le retour sur les différents concours qu'organiseront sur quinze ans les A.I.D. permet de montrer comment s'est imposée, auprès d'un public que les A.I.D. entendent fédérer, la figure de Kurt Jooss au dépend de celle de Jean Börlin dont la Fondation entendait précisément entretenir le souvenir. L'analyse du projet scientifique porté par les A.I.D. fait l'objet de la troisième partie de cette thèse dans laquelle nous aborderons la notion du « terrain » que constitue le voyage exploratoire aux Indes néerlandaises en 1938. Nous tenterons de démontrer les limites de leur méthodologie scientifique, une réponse partielle de la Fondation à ce qui est perçu comme l'absence d'un corpus intellectuel propre à la danse.



MATHIEU BOUVIER
2021
Les intrigues du geste, Pour une approche figurale du geste dansé
Doctorat en Esthétique, université Paris 8, sous la direction de Catherine Perret et Isabelle Launay, 2021
La danse est un travail de la figure humaine. Mais ce travail est moins figuratif que figural, si l'on admet avec Gilles Deleuze que la figure figurative est la forme sensible rapportée à l'objet, tandis que la figure figurale est la forme sensible rapportée à la sensation. Le travail de la figure en danse, au sens figural qu'on lui donne ici, est donc décrit comme le travail de la sensation faite image, au moyen d'intrigues perceptives impliquées dans la fabrique du geste dansé.
Les intrigues du geste sont à comprendre de façon bijective aux expériences des danseur.euse.s et des spectateur.rice.s, dans un miroitement entre l'avènement chorégraphique du geste et son événement esthétique : une figure se lève au-devant du geste dansé quand les uns et les autres se font voyants d'une image virtuelle, une semblance, une allure, un hiatus entre l'aperçu et l'imperçu, un débrayage dans les coutumes perceptives.
En croisant les savoirs empiriques des danseurs et certaines ressources théoriques de la philosophie de l'art, de la phénoménologie et de la clinique, cette étude vise à éclairer l'expérience figurale du geste dansé dans ses dimensions somatiques (une émulation de l'imaginaire radical, ou imaginaire de la sensation), esthétiques (un travail des figurabilités du geste), et éthiques (une expérience de l'art qui veut la participation).
Stéphane Mallarmé et Loïe Fuller, Yasmine Hugonnet, Vaslav Nijinski et Dominique Brun, Laurent Pichaud, Lisa Nelson et Loïc Touzé sont quelques-uns des noms qui orientent cette enquête à travers les scènes et les studios de danse, les différentes intrigues (du milieu, de l'articulation, du désir, de la voyance) et les « cas de figures » qu'ils y inventent : motifs chorégraphiques, pratiques somatiques et ludiques, pièges à danser et pièges à voir, « appâts pour les sentirs ».
PAOLA SECCHIN BRAGA
2013
Des corps écrits : spectacles chorégraphiques biographiques et représentations du corps dansant
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Launay
L'enjeu de cette recherche se situe dans l'étude du croisement entre le domaine des spectacles chorégraphiques et celui du biographique - terme qui permet d'élargir le champ des occurrences qui composent la mise en récit de l'histoire de vie d'un individu, à travers divers média. Nous avons donc centré notre recherche sur les spectacles chorégraphiques en tant qu'occurrences du biographique, et sur l'interprétation et la perception du corps dansant.

Nous avons d'abord procédé à notre investigation par le biais de l'histoire et de la classification de la biographie, pour comprendre les enjeux de ce genre littéraire et les questionnements qu'il soulève. Nous avons constitué un relevé des biographies littéraires du domaine de la danse depuis le XIXe siècle et avons procédé à son analyse quantitative, pour ensuite décrypter la manière dont s'est développé le discours biographique sur les danseurs.

Dans un deuxième temps, nous nous sommes appuyés sur des concepts issus du domaine de la littérature pour nous aider dans la compréhension des œuvres biographiques littéraires et chorégraphiques. Les recherches sur la corporéité et la kinésie dans le récit littéraire nous ont permis d'analyser les descriptions et représentations du corps des danseurs.

La dernière partie de la thèse est dédiée à l'analyse de huit spectacles chorégraphiques biographiques. La structure et le fonctionnement de chacune des œuvres analysées sont mis en évidence en même temps que les représentations du corps du danseur qui sont en œuvre dans un spectacle chorégraphique. Une analyse des étapes créatives du processus de construction d'une image de corps dansant dans le discours chorégraphique biographique est également réalisée. Elle nous conduit à proposer un modèle de compréhension de la construction de l'entité du biographié, l'atlas du corps du biographié, une collection de représentations du corps de celui-ci.
AGNÈS BROCARDI-GOUGASSIAN
2001
Africanité et brasilianité de la capoeira : vers une pratique transversale
Doctorat, Dept danse de l'université Paris 8, sous la direction de Jean-Marie Pradier
VOLMIR CORDEIRO
2019
Où le marginal danse : retours sur six pièces chorégraphiques
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Ginot
Cette thèse procède d'un travail réflexif en lien constant avec une création chorégraphique. Elle est la parole d'un artiste-chercheur qui ne pense pas sans œuvre ni sans les œuvres d'autres artistes. Toutes explorent la thématique des figures marginales dans le champ chorégraphique, et permettent de construire une poétique singulière adossée sur les esthétiques esquissées par certaines des œuvres des chorégraphes brésiliens Luiz de Abreu, Marcelo Evelin, Núcleo do Dirceu et Micheline Torres. En partant de "Ciel", premier solo que je signe en tant que chorégraphe en 2012, et en m'orientant vers un réseau poétique des œuvres avec lesquelles une certaine proximité thématique me semble féconde, j'enquête sur ce qui fabrique la sensation de reconnaître un marginal qui danse. Les récits que j'en fais sont construits à partir de mes propres expériences de spectateur et consolidés par mon parcours d'artiste chorégraphique. La traversée critique, analytique, fictionnelle des œuvres constitue des trajectoires sensibles dont l'objectif est de faire la connaissance des modes d'être chorégraphiques des figures marginales. Cette étude analyse comment, au sein même de chaque œuvre, se construisent les regards et les récits participant à l'émergence des affects précaires mis en mouvement par des propos chorégraphiques. Elle examine ces propos à partir des rapports imaginés avec des altérités, et véhiculés par des éléments artistiques tels que le visage, l'adresse, la place accordée au spectateur, la construction du regard et ses modes de partage. Où le marginal danse est une tentative de réflexion pour envisager quand danser le marginal devient une manière de faire danser l'invisibilité du pouvoir en même temps que de rendre visible la puissance d'un décalage.
Thèse sous la direction d'Isabelle Ginot.
ANDREA DAVIDSON
2003
Les Enjeux du numérique en danse : pour une chorégraphie interactive
Doctorat, Dpt d'arts plastiques de l'université Paris 8, sous la direction de Jean-Louis Boissier
MARGHERITA DE GIORGI
2017
Figurations de la présence. Esthétiques corporelles, pratiques du geste et écologies des affects sur la scène performative contemporaine
Doctorat, cotutelle Università di Bologna et université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Ginot et Enrico Pitozzi
Dès les années 2000 à aujourd'hui, la présence est au cœur d'un nouvel intérêt théorique. Cette thèse porte sur les recherches en arts vivants et sur des créations récentes à la lumière des enjeux corporels, perceptifs, d'une part, et théoriques, de l'autre, résonnant avec ce concept. Les définitions courantes de la présence sont relues et intégrées, dans une approche phénoménologique, par l'analyse du geste dansé, l'épistémologie des pratiques somatiques, l'écologie des pratiques (Stengers 2005) et une pensée politique sur les affects (Massumi 1995 ; 2015). Dans la première partie on articule cette approche en fonction d'un regard critique sur les discours théoriques, qu'on met en dialogue avec notre corpus d'œuvres théâtrales et chorégraphiques. Ici on considère, parmi d'autres pièces, Il principe Amleto du metteur en scène et comédien italien Danio Manfredini. La seconde partie rassemble les analyses d'Ouverture Alcina, monologue de la Compagnie italienne Teatro delle Albe ; de récentes créations chorégraphiques de Virgilio Sieni ; de la pièce Déperdition, crée par Myriam Gourfink et d'une reprise de Self Unfinished de Xavier Le Roy dans le cadre du projet « Rétrospective ». Chaque analyse porte sur le travail physique et perceptif de l'interprète, en considérant les processus de création et d'apprentissage, et sur le rapport entre œuvre et milieu de production et de circulation. Ainsi, l'expérience personnelle de spectatrice-chercheuse et la centralité du regard se mettent en avant. Il en résulte une perspective épistémologique sur les pratiques de la présence, entendues comme pratiques performatives, et sur les figurations de la présence, à savoir les effets perceptifs-affectifs de la performance.
Thèse sous la direction d'Isabelle Ginot (Université Paris 8) et Enrico Pitozzi (Università di Bologna).

AURORE DESPRES
1998
Travail des sensations dans la pratique de la danse contemporaine. Logique du geste esthétique
Doctorat, Dpt danse de l'université Paris 8, sous la direction de Michel Bernard
FRANCE DHOTEL
1996
Problématique de la place de la musique au sein d'une composition chorégraphique contemporaine
Doctorat, Dpt danse de l'université Paris 8, sous la direction de Michel Bernard
LAETITIA DOAT
2013
Voir une danse. Décrire et interpréter Isadora Duncan
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Launay
Cette thèse expose le cheminement d'une recherche menée autour de l'esthétique d'Isadora Duncan (1877-1927) durant près de neuf ans, de l'automne 2004 à l'été 2013. Elle se présente sous la forme d'un récit à la première personne, exposant le parcours d'une chercheuse confrontée à l'étrangeté d'une danse du passé. Construisant alternativement, au fil des questions rencontrées, une posture de spectatrice de danse, d'historienne et d'interprète, la narratrice relate comment l'esthétique proposée par cette célèbre danseuse du début du XXe siècle s'est peu à peu « levée » (comme l'historien de l'art Daniel Arasse le dit à propos de « peintures qui se lèvent »). Le récit de cette expérience, entremêlant la description d'images, l'analyse de textes d'Isadora Duncan et de critiques de l'époque, engage le lecteur à partager cet apprentissage du voir. Un Récital Duncan proposé le jour de la soutenance de thèse, activera en corps, en pratique, les différentes conclusions posées à l'écrit dans le mémoire.
LUAR MARIA ESCOBAR
2019
De la chorégraphie à la dramaturgie du geste : mutations des pratiques chorégraphiques du théâtre à Rio de Janeiro
Doctorat, cotutelle UNIRIO et université Paris 8, sous la direction de Joana Ribeiro da Silva Tavares et Isabelle Launay
Cette thèse présente une étude sur le processus de diversification des pratiques chorégraphiques dans le théâtre carioca. À partir de l'analyse du travail de professionnels spécifiques, situés tout d'abord dans les années 1960 et ensuite dans les années 1990, a été formulé l'hypothèse selon laquelle ces pratiques acquéraient progressivement des compétences considérées comme dramaturgiques. La recherche a choisi comme repère historique le travail des chorégraphes, chercheurs et professeurs Klauss (1928-1992) et Angel Vianna (1928). Au-delà de l'inflexion réalisée par les Vianna, l'émergence de deux autres pratiques plus récentes a été jugée représentative de ce processus. Il s'agit de la pratique de direction de mouvement, qui sera analysée à partir du travail de Duda Maia (1968), Marcia Rubin (1962) et Toni Rodrigues (1963), et du métier de dramaturge, étudié à travers les pratiques de Silvia Soter (1964) et Thereza Rocha (1968). La notion de geste apparaît comme principal point de convergence entre les savoirs mobilisés par les professionnels étudiés et une dramaturgie dont l'acception se détache d'une écriture strictement narrative et textuelle. Les multiples mises à jour du concept de dramaturgie et, en particulier, son appropriation par le champ de la danse, serviront de base à la présentation de la dimension dramaturgique identifiée dans certaines des composantes contemporaines de la chorégraphie théâtrale.
MICHÈLE FEBVRE
1993
Danse contemporaine et théâtralité
Doctorat, Dpt danse de l'université Paris 8, sous la direction de Michel Bernard
FEDERICA FRATAGNOLI
2010
Les danses savantes de l'Inde à l'épreuve de l'Occident : formes hybrides et contemporaines du religieux
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Launay et Jean-Marie Pradier
Cette étude prend pour point de départ des questionnements sur l'historiographie de la danse indienne. À partir du cas du Sadir-Bharata Natyam - danse du Sud-est de l'Inde - nous avons interrogé l'émergence historique de cette danse et les offices sacrés de ses actrices, les devadasis. Une telle analyse a laissé apparaître deux aspects, qui ont guidé notre incursion dans les créations contemporaines des artistes de la diaspora indienne.
D'un côté, nous nous sommes trouvés confrontés à la question de la « modernité » des danses de l'Inde. Souvent reconnues à partir d'une idée de tradition et d'immuabilité, les pratiques artistiques du sub-continent indien ont au contraire subi une évolution très complexe, qui est restée masquée par le récit historiographique des années 1940 et 1950. S'appuyant sur le travail de la chercheuse indienne Avanthi Meduri, nous avons montré que l'histoire du Bharata Natyam est caractérisée par une forme de modernité plurielle aux multiples facettes. Or, Avanthi Meduri affirme que des formes de modernité étaient déjà à l'œuvre dans la pratique des devadasis. C'est la confrontation avec l'empire colonial anglais envahissant, vers la moitié du XIXe siècle, les cours de l'Inde, qui invite à penser ces danseuses comme des femmes cosmopolites et internationales. Percevant dans ces figures une confluence de traditions hétérogènes, Meduri débarrasse le mythe de l'authenticité qui depuis toujours traversait l'histoire de ces femmes et de leur métier. La devadasi devient ainsi une figure « hybride », mise en cause par un autre système de pensée et un autre ordre corporel.
L'approche proposée par Avanthi Meduri s'impose comme support à la compréhension des phénomènes chorégraphiques contemporains couramment qualifiés d'« hybrides ». Introduit dès les années quatre-vingt dans le contexte de la danse anglo-saxonne, le terme hybride désigne aujourd'hui un ensemble de créations qui se fondent sur la rencontre de techniques diverses. Jamais problématisée, une telle expression dissimule un phénomène très complexe, qui constitue un terrain extrêmement fertile de réflexion. Prenant comme point de départ le contexte britannique - le nœud le plus fructueux de l'expérience artistique indienne en Europe - une partie de notre travail repense le rôle et la signification de cette notion. Pour quelle raison, le terme hybride est-il devenu le leitmotiv des créations de la diaspora indienne en Angleterre ? Quelle est son origine ? Quelles intentions et quelles nécessités ont motivé son utilisation ? Et plus encore : le terme hybride demeure-t-il pertinent pour un discours sur le corps ? Dans quelle mesure peut-il rendre compte des créations chorégraphiques propres à la diaspora indienne ? Ce terme - probablement pertinent dans d'autres domaines de recherche - se révèle en effet trompeur et déroutant vis-à-vis de l'expérience corporelle. La connotation de « corps biologique » inscrite dans son étymologie empêche l'apparition des configurations sensibles qui animent la corporéité dansante. Afin d'illustrer cet écart, nous présentons une analyse à partir d'une étude de cas spécifique : les créations chorégraphiques du danseur indo-anglais Akram Khan. La confluence de techniques corporelles diverses - la danse kathak et celles venues de la danse contemporaine - réveille chez Khan un travail subtil sur la perception, sur l'état de conscience et sur les frontières entre soi et l'autre. Repensant cet « autre » en tant qu'ensemble de connexions sensibles, notre étude donnera la possibilité d'analyser les modalités et les stratégies que le corps met en acte face à une altérité corporelle, esquissant les traits d'une « esthétique de la relation » . Nous serons ainsi incités à étudier la possibilité d'accueillir l'autre, de l'« héberger » au sein de son propre vécu sensible, soulevant des questions mettant en cause les concepts d'identité et de subjectivité.
De l'autre côté, notre incursion dans l'historiographie a laissé apparaître les étroites connexions que la cérémonie dansée des devadasis entretenait avec les pratiques du religieux. Une forme particulière de sacralité pétrit les fondements de cet office cérémoniel, obligeant à penser ses actes et ses gestes en fonction du salut de l'âme (moksha). En dépit des changements que le subcontinent indien a subi au fil du temps, particulièrement au cours des deux derniers siècles, ce souci continue à hanter l'univers esthétique indien. Notre étude a donc nommé la forme et la manifestation du « religieux » dans le geste indien contemporain.
Après avoir défini les éléments distinctifs d'une religiosité « moderne » - telle que la pense la sociologie de la religion - nous présentons une analyse esthétique et corporelle de la scène indienne, d'un point de vue « religieux ». La démarche choisie consiste à mettre en résonance le dispositif à l'œuvre dans les temples indiens, avec les stratégies scéniques conçues par Rukmini Devi au début des années 1900, pour arriver aux conceptions de l'espace propres aux créations contemporaines. Le défi tient à la nécessité de repenser la façon dont le « religieux » se manifeste dans ces différents contextes pour parvenir à énoncer une définition pertinente de sa présence dans la société contemporaine. Quels autres rapports aux dieux invente-t-on aujourd'hui ? Comment les formes d'expression et de relation au divin sont-elles rejouées par les artistes indiens ? Avec quels outils ? Cette étude se propose de saisir comment la scène contemporaine a transféré et re-localisé le « religieux ». Celui-ci ne s'incarne plus dans une divinité - produite à travers des rituels -, il passe davantage dans un mouvement d'immanence, par l'individu et sa conscience corporelle. En effet, les artistes contemporains ne proposent pas un retour au « religieux », entendu comme une dévotion dans l'art, qui caractérisait la pratique des devadasis. Ils réinventent plutôt un intérêt pour l'organisation du sensible propre à la corporéité dansante. C'est la question de la sensation qui est remise au centre des préoccupations, convoquant ainsi des réflexions métaphysiques.
Notre discours, organisé à partir de l'expérience indienne, fait finalement écho à des questions bien plus larges, abordant la scène contemporaine occidentale et la possibilité de penser aujourd'hui une forme de « spiritualité » spécifique à l'Occident. Ce parcours orientera notre étude vers l'analyse des liens qui se tissent à présent entre trois notions très importantes dans un certain champ de la création chorégraphique contemporaine : sensation, body awareness (conscience du corps) et « spiritualité ». La possibilité de relire l'œuvre de certains artistes de la scène contemporaine occidentale à partir de cette perspective, pourrait apporter de nouvelles pistes d'analyse et ouvrir un nouveau regard sur les créations esthétiques de notre époque.

ISABELLE GINOT
1997
Dominique Bagouet, un labyrinthe dansé
Doctorat en Esthétique, Dpt danse de l'université Paris 8, direction Michel Bernard
Dominique Bagouet, chorégraphe contemporain décédé en 1992, est le créateur d'un œuvre labyrinthique, aux problématiques complexes et diverses. Il est, dans la récente génération des chorégraphes contemporains français, l'un des rares, si ce n'est le seul, à avoir revisité l'esthétique et les cadres conventionnels du ballet classique. D'éclatement de ces cadres en reconstruction de la corporéité dansante, il a élaboré une écriture gestuelle et chorégraphique totalement originale, apportant des propositions radicalement nouvelles dans le champ esthétique contemporain, notamment dans le domaine des rapports interdisciplinaires et du statut de l'interprète en danse.
Le champ théorique de la danse contemporaine, particulièrement de l'analyse critique, étant en France quasiment vierge, et les rapports entre créateurs et texte critique toujours problématiques et conflictuels, la proposition de cette étude est de traiter cet œuvre chorégaphique comme terrain d'expérimentation et d'élaboration d'un discours critique. L'axe d'approche a été choisi en fonction de la spécificité du travail de Bagouet, et du besoin urgent, en France, de poser de premiers jalons pour une critique chorégraphique : c'est donc « la danse », dans ses composantes de mouvement, d'écriture spatiale, et de travail de la temporalité, qui a été choisie comme fil conducteur de l'analyse, et a permis l'émergence d'un certain nombre de concepts opérateurs.
L'étude suit le fil chronologique de l'œuvre de Bagouet, et accorde une place prépondérante à la description et l'analyse des pièces chorégraphiques. Trois chapitres-intermèdes suspendent ce parcours chronologique pour poser des concepts émergeant, à des moments-charnières, de l'œuvre chorégraphique.
Enfin, cette étude ayant été commencée peu avant la disparition de Bagouet et durant la mise en place de dispositifs de sauvegarde de son patrimoine chorégraphique, des annexes présentent des documents de synthèse sur les pièces, des entretiens inédits avec le chorégraphe, et un certain nombre d'éléments d'archives.

Chapitre 1 et chapitre 2 : Description des premières pièces de Dominique Bagouet (1976-1980) et de la période cruciale de son implantation au Centre chorégraphique national de Montpellier (1980-1983). De premiers éléments sont repérés qui deviendront des axes fondamentaux de l'œuvre à venir : le style gestuel se défait progressivement des influences des techniques modernes récemment étudiées par le jeune chorégraphe, et on voit apparaître ce qui deviendra sa marque : petite amplitude gestuelle, multidirectionnalité en particulier.
Chapitre 3 (intermède 1): A ce point de son travail, l'un des paradoxes opérateurs les plus puissants de l'esthétique bagouétienne, se présente sous la forme d'une alternance esthétique entre des pièces dites « abstraites », où le chorégraphe affine et développe son langage gestuel, et des pièces dites « théâtrales ». Ces-dernières font principalement appel à des « effets de théâtralisation », selon le terme de Michel Bernard, soit des artifices externes à la danse (costumes, décors, référent narratif...). Elles exposent surtout, de façon plus explicite qu'on ne le verra par la suite, un certain nombre de thèmes fondamentaux : les (difficiles) rapports hommes-femmes, les archétypes de la danse classique, l'autobiographie.
Chapitre 4 : Les trois principales pièces de la période 1984-1986 forment le socle et le moment d'élaboration de l'architecture du style de Bagouet, dans ses composantes gestuelles, spatiales, et de dialogue interdisciplinaire. Dans Déserts d'amour (1984), Bagouet pose pour la première fois le rapport à la corporéité dansante classique, l'échec de son idéalité ascensionnelle et la brisure du corps dansant contemporain. Ces éléments fondent ce qui sera, désormais, son style : la miniature et la ponctuation de la phrase gestuelle, la défaillance de l'axe, le conflit du corps idéal hanté par la monstruosité.
Le Crawl de Lucien (1985) prolonge la même recherche d'abstraction, et développe plus particulièrement la dimension musicale de la phrase dansée, en précisant (dans un rapport aléatoire avec la musique électro-acoustique de Gilles Grand) la signature temporelle du style Bagouet, notamment dans son caractère suspensif et entrecoupé.
Assaï (1986) est, d'une part, un moment de réintégration des notions de personnages et de théâtralité, comprise comme dimension immanente de la corporéité dansante. D'autre part un dialogue - et rapport de force - avec un compositeur (Pascal Dusapin) : Bagouet se positionne en maître de lœuvre.
Chapitre 5 (intermède 2): L'analyse des trois précédentes pièces permet de mettre à jour un certain nombre d'outils analytiques : la question du style, compris comme un ensemble d'opérateurs du mouvement qui assureront désormais l'identité et la constance de l'écriture chorégraphique, tout en servant de levier à sa transformation - notamment le rapport à la norme et aux conventions gestuelles, travaillé ici en vis-à-vis de la convention classique, puis, plus tard, en vis-à-vis de toute autre convention installée par le style lui-même ; la question de l'espace chorégraphique, désormais défini en fonction d'une mise en question de la perspective comme norme référentielle, déterminant une pensée de la représentation comme opération du visible ; enfin, la question de la puissance et du rapport de force, qui opère aussi bien dans le style gestuel, que dans les dialogues artistiques et les intéractions entre les différents intervenants sur une pièce.
Chapitre 6 : Le Saut de l'ange (1987) marque le début d'une nouvelle période où Bagouet, maître de son propre outillage chorégraphique, met immédiatement en danger ses propres conventions. Avec la collaboration du plasticien Christian Boltanski, il remet en jeu sa norme gestuelle et la tourne en dérision. La collaboration avec Boltanski marque une mutation fondamentale dans le rapport à l'espace : plutôt qu'une toile de fond sur laquelle s'inscrivent les signes de la danse, Boltanski crée un espace chargé d'histoires, d'images, de couches signifiantes multiples. Cette transformation des rapports entre le corps dansant et son « décor » est le ressort d'une autre mutation dans l'univers de Bagouet : cherchant à faire travailler « l'histoire » du sujet dansant à l'intérieur de la danse, Bagouet repense radicalement le statut de l'interprète et la nature de sa présence sur le plateau. La pièce suivante, Les Petites pièces de Berlin (1989), prolonge ce questionnement en explorant de nouveaux processus de création, où les interprètes apportent leurs propres compositions.
Chapitre 7 (intermède 3) On peut désormais reposer la problématique de l'interprétation chez Bagouet non plus comme un rapport de pouvoir ou d'imposition d'une forme corporelle du chorégraphe sur ses interprètes, mais comme un dialogue entre sa corporéité et sa verticale singulières, telles que le style en dessine les contours, et la verticale de chaque danseur. L'écriture chorégraphique est l'espace de ce dialogue, et c'est sa forme même - référence permanente à la verticale, multidirectionnalité... - qui le rend possible. La notion de maladresse intervient dès lors, comme métaphore de l'écart que le chorégraphe souhaite rendre visible, entre le modèle défini par l'écriture chorégraphique, et l'ajustement de la corporéité de l'interprète à ce modèle. Ainsi rompt-il avec la tradition d'une corporéité dansante définie par les seuls signes de la danse, et, au contraire, encourage l'émergence d'une « maladresse d'avant la danse » ; soit, une coporéité dansante singulière, faisant signe pour chaque sujet pris dans son histoire, et non pour les codes historiques de la danse.
Chapitre 8 : Cette réintégration de l'historicité du sujet dansant ouvre la voie au récit. Meublé sommairement (1989), créé à partir d'un récit d'Emmanuel Bove, fait accéder la danse à la dimension diégétique par le truchement du texte. C'est le moment où se déploie, sur l'ensemble de la représentation, l'architecture de la corporéité dansante telle que les précédentes étapes l'avaient mise au jour. Désormais, Bagouet traitera la scène comme une corporéité, et en travaillera le mouvement, l'espace, la temporalité, moins à partir de chacun de ses éléments, qu'à partir des interrelations qu'il compose entre eux.
Chapitre 9 : Les trois dernières pièces (Jours Etranges, 1990, So Schnell, 1990 et Necesito, 1991) forment un ensemble paradoxal où il s'agit pour le chorégraphe de travailler à la vitesse, tout en renouant différents fils de l'œuvre antérieur. Ainsi les composantes du temps telles qu'elles ont été traitées auparavant : musicalité, historicité, diégèse, se rassemblent ici pour ouvrir la perspective du récit autobiographique, pris de vitesse par l'interruption de l'œuvre.

L'œuvre de Bagouet peut ainsi être décrit comme un labyrinthe aux entrées multiples, et le « fil de la danse », choisi comme principe de cette étude, se dévoile non comme une limite, mais comme un projecteur éclairant la variété des aspects du travail chorégraphique.
C'est à partir de ce projecteur que l'on peut reconsidérer un des aspects de cet œuvre : l'interdisciplinarité et les dialogues avec d'autres créateurs (compositeurs, plasticiens, écrivains) qui s'avèrent être non pas une façon de « compléter » la danse par de la musique, de l'image, du texte, mais de confronter tel aspect spécifique de la danse - sa temporalité intrinsèque, son potentiel figural, sa dimension narrative - à d'autres écritures partageant ces dimensions particulières.
ISABELLE GINOT
2006
La critique en danse contemporaine : théories et pratiques, pertinences et délires.
Habilitation à diriger des recherches (18ème section), sous la direction de Jean-Paul Olive
D'histoire relativement récente, le champ de la recherche en danse, et plus particulièrement en danse contemporaine, s'est néanmoins fortement développé durant ces vingt dernières années. Fortement stimulé par les pays anglo-saxons, il est aujourd'hui marqué par un fort développement des études critiques féministes, de genre, post-coloniales, etc., qui s'efforcent de faire apparaître les enjeux politiques et idéologiques travaillant le milieu de la danse, tant dans son organisation esthétique que sociale et institutionnelle. Dans l'ensemble de ces études, cependant, le statut des œuvres et des analyses qui peuvent en être faites est singulièrement peu questionné. A quelles conditions peut-on faire parler les œuvres?
La première partie de cette étude s'attache à présenter les quelques discours qui se sont intéressés à problématiser cette activité critique, et pose la problématique à partir d'exemples précis issus de textes critiques. A partir de là, est posée la première difficulté du geste critique en danse contemporaine, à savoir la saisie de son objet. La question de l'œuvre, de son existence, de sa définition et de son statut est commune à l'ensemble des disciplines artistiques. Mais la danse contemporaine redouble ce problème à la fois par la nature de ses productions, régulièrement définie comme intrinsèquement éphémère, et par les conditions matérielles engendrées par le contexte socio-économique de diffusion. Ainsi, si la critique en danse contemporaine est possible, c'est d'abord à partir d'une prise en compte de l'inaccessibilité de son objet.
La deuxième partie s'attache au problème toujours occulté du processus de production d'un texte critique, et plus particulièrement encore, au statut crucial de la perception du regardeur-critique. Le dualisme objectivité / subjectivité, encore très actif pour la critique en danse, tend en effet à négliger la dimension perceptive du travail critique, ou à la traiter comme une part inaccessible et prédéterminée de cette activité - un peu à l'image du statut du corps et de l'expérience au sein d'une idéologie dualiste corps/esprit. Il s'agit donc de penser le travail critique comme un processus, et cette deuxième partie présente ce que l'on nommera l'atelier critique, à savoir, l'espace de fabrication, d'invention et finalement d'entraînement au travail critique. L'atelier critique se présente en effet comme un ensemble de pratiques, d'expériences ou d'exercices qui visent à développer une forme d'expertise perceptive vis-à-vis de l'œuvre chorégraphique, et qui le fait à partir de pratiques textuelles, suggérant ainsi que regard sur l'œuvre et écriture sur l'œuvre ne sont pas nécessairement deux étapes distinctes et successives du travail critique, mais sont étroitement liées l'une à l'autre.
La troisième et dernière partie dégage les grandes opérations "d'invention de l'œuvre qui organisent le texte critique lui-même. En effet, si l'œuvre n'existe pas, et que le travail critique consiste, au sein de l'atelier, à acquérir des techniques de reconstruction ou reconstitution de l'œuvre, alors, il faut renoncer à penser le texte critique comme activité objective, voire scientifique, vérifiable, et il faut désormais tenter de le comprendre comme le dialogue entre pertinence (l'effort du critique de fonder son regard dans les éléments accessibles de l'œuvre) et délirance (la nécessité ou le désir du critique de produire du sens).
La prise en compte de ces trois moments du travail critique - qui sont aussi trois perspectives - permet de penser ou repenser quelles peuvent être les fonctions de la critique en danse contemporaine dans son inscription sociale, politique et esthétique, autrement dit, à quoi elle sert ou pourrait servir.

MYRTO KATSIKI
2023
Activations du neutre en danse. Yvonne Rainer, Deborah Hay, Laurent Pichaud, Merce Cunningham
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Launay
MARIKO KITAHARA
2021
Mikhail Fokine (1880-1942) : Une figure instable dans l'histoire, l'historiographie et dans l'héritage du ballet du XXe siècle
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Launay
Mikhaïl Fokine (1880-1942) est un chorégraphe russe. Il a émergé au début du XXe siècle, en tant que réformateur du ballet classique, au sein du théâtre Mariinski. Il a ensuite été internationalement reconnu, et ce dès son arrivée à Paris en 1909, avec les Ballets russes de Serge Diaghilev. Quoique surnommé le « père du ballet moderne », Fokine a dû lutter contre l'« oubli » durant le reste de sa carrière. Cet « oubli » a suivi sa séparation avec Diaghilev, conséquence de l'éclatement de la Première Guerre mondiale, et avec son pays à la suite de la Révolution russe. Les difficultés de réhabilitation postérieure de son nom sont, depuis longtemps, une énigme dans le monde du ballet. En effet, tout au long de la première moitié du XXe siècle, ses oeuvres ont continué de dominer le répertoire classique, et presque aucun chorégraphe de ballet du siècle dernier n'a échappé à son influence. Afin de mieux situer Fokine dans l'histoire du ballet, notre thèse réexamine ce que le chorégraphe a apporté au contemporain. Cette contribution est trop souvent réduite à ses cinq principes surexposés dans la littérature de Fokine. Sa fidélité stylistique aux nations et époques représentées dans ses oeuvres, son désir de fusionner danse et pantomime, son idéal « naturel », ou encore son « alliance » avec les peintres et les compositeurs se sont aujourd'hui banalisés. Néanmoins, nous pouvons reconsidérer le chorégraphe en tant que promoteur du ballet compact et réformateur du concept de ballerine, pour sa lutte pour les droits d'auteur des chorégraphes de ballet, ainsi que pour son investissement ardent dans son auto-historisation, durant la première vague de publications post-diaghileviennes.
PAULINE L. BOULBA
2019
Les bords de l'œuvre. Réceptions performées et critiques affectées
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Ginot
Cette recherche-création s'est déployée autour d'une réflexion sur la réception en danse et sur les modes de partage de celle-ci. Prenant à rebrousse-poil une histoire de la critique de danse qui juge et évalue, j'ai tenté de privilégier des démarches qui viennent perturber, troubler et brouiller les frontières entre création et réception. La première partie de ce travail consiste à trois analyses d'œuvres chorégraphiques : « Une hypothèse de réinterprétation » de Rita Quaglia (2009), « histoire(s) » d'Olga de Soto (2004) et enfin «Admiring la Argentina » de Kazuo Ôno (1977). Ces trois pièces révèlent trois manières de regarder des œuvres, trois manières de parler des/aux œuvres, trois manières de répondre à une danse en dansant. Les trois œuvres analysées en première partie se distinguent par l'importance qu'elles accordent à la subjectivité comme vectrice de savoirs (perceptifs et cognitifs). Ainsi, à la « réception performée » s'ajoute le terme de « critique affectée » pour compléter ma réflexion. Celle-ci désigne autant le caractère subjectif au sein des objets étudiés, que ma manière d'être à mon tour touchée et prise par les objets et personnes que j'ai observé·e·s ces dernières années. La critique affectée concerne également les parcours de deux critiques de danse Laurence Louppe (1938-2012) et Jill Johnston (1929-2010) qui constituent le centre d'attention de ma deuxième partie. À travers leurs pratiques critiques distinctes, il m'importe de questionner un héritage dont je souhaite me défaire ou au contraire que je désire faire mien. Cette recherche a été une progressive mise en abyme de mon regard de spectatrice et de différents modes de travail en tant qu'artiste-chercheure. Elle rend compte d'une multiplicité de formats journal de bord, fragments critiques, analyses d'œuvres et analyses de pratiques, matériaux de performance comme autant de points de vue sur une œuvre. À ce travail écrit, s'ajoute un temps performatif lors de la soutenance.
MAËVA LAMOLIÈRE
2023
Carlotta Ikeda : Poétique d'un monstrueux au(x) féminin(s) (Japon - France)
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Launay et Sylviane Pagès

Carlotta Ikeda est une danseuse et chorégraphe japonaise de danse butô. Formée dans un premier temps à la danse moderne, elle fonde en 1974 la compagnie Ariadone sous l'impulsion de Maro Akaji et de Murobushi Kô. Ses premières pièces chorégraphiques sont créées en lien étroit avec la scène cabaret. En effet, les danseur·se·s butô ont, dès les années 1960, développé une pratique intense du cabaret, dans une tension fine entre érotisme, sadomasochisme et grotesque. C'est d'ailleurs par le cabaret que Carlotta Ikeda accompagnée de deux autres danseur·se·s arrive en France en 1977. Cependant, il faut attendre janvier 1978 pour que la compagnie Ariadone rencontre un succès critique et médiatique sur la scène artistique française. À partir de ce moment-là, la compagnie fait des allers-retours entre la France et le Japon, s'implantant alors progressivement à la lisière du champ chorégraphique français. Au début des années 1990, Carlotta Ikeda s'installe définitivement en France et plus précisément à Bordeaux, ville dans laquelle elle achète une maison et un studio de danse en 1997. Elle y décède en septembre 2014.
Entremêlant approche historique, esthétique, savoirs en danse et études de genre, cette thèse cherche à nommer quelle était la corporéité dansante de Carlotta Ikeda. Nous posons ici l'hypothèse que la pratique du cabaret se pense comme une réelle matrice chorégraphique chez la danseuse-chorégraphe. Ses pièces chorégraphiques développent alors un rapport spécifique à l'érotisme au travers de figures de femmes troubles et décalées. Virtuose des « savoirs sentir », Ikeda déploie tout au long de son oeuvre chorégraphique une corporéité monstrueuse où le « féminin » se décline au pluriel.

Mots clés : butô - Carlotta Ikeda - féminin - cabaret - monstrueux
ISABELLE LAUNAY
2007
Les danses d'après, poétiques de la mémoire en danse
Habilitation à Diriger des Recherches (18ème section), sous la direction de Jean-Louis Déotte
ISABELLE LAUNAY
1994
A la recherche d'une danse moderne, étude sur les écrits de Rudolf Laban et de Mary Wigman
Doctorat en esthétique des arts du spectacle, Dpt danse de l'université Paris 8, sous la direction de Michel Bernard
La thèse est une analyse des pratiques et de la réflexion critique de R. Laban et M. Wigman en quête d'une pensée motrice et d'un usage de soi fondateurs de la danse d'expression en Allemagne au début du siècle. Il propose une réflexion critique et comparée de ces deux trajectoires différentes à partir de leurs écrits qui mettaient en cause les fonctions de la danse au sein d'une époque qui « avait perdu les ressources de la remémoration » (Benjamin) et une part de son expérience du mouvement. Loin de l'hagiographie, cet ouvrage propose de découvrir les dynamiques de travail esthético-politiques de ces deux artistes en même temps qu'il s'interroge sur la manière d'écrire l'histoire de la danse.
AXELLE LOCATELLI
2019
Les chœurs de mouvements Laban: entre danses traditionnelles, gymnastique et expériences artistiques (Allemagne, 1923-1936)
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Launay
Sous-titre : Etude à partir du fonds d'archives Albrecht Knust.
En partant de la question de l'être-ensemble et de sa visibilité, cette thèse vise à souligner la multiplicité des discours et pratiques que sous-tend l'appellation « chœurs de mouvements Laban » [Bewegungschöre Laban] et à saisir ce que cache cette hétérogénéité. Elle tente d'expliquer comment cette pluralité s'accompagne d'un déplacement de certaines catégories qui implique une redéfinition du champ esthétique et de ses effets politiques. Les pratiques chorales que le groupe de danseurs et pédagogues constitué autour de Rudolf von Laban déploie surtout dans l'Allemagne de l'entre-deux-guerres s'appliquent à investir l'espace entre : entre danse et gymnastique, entre amateurs et professionnels, entre écrit et oralité, entre pluralité et uniformité...
L'examen de ces tensions s'effectue essentiellement à partir du fonds d'archives Albrecht Knust déposé au Centre National de la Danse de Pantin. Il accorde une attention toute particulière aux partitions de danses chorales en cinétographie Laban et s'efforce de faire dialoguer observations théoriques et questionnements issus de la mise à l'épreuve en studio de ces partitions. Il s'efforce ainsi de donner à voir les pratiques chorales labaniennes et de montrer qu'elles témoignent de politiques à l'œuvre à différents niveaux : de l'individu, du groupe, de la chorégraphie de groupes, des discours, du contexte. Finalement, il s'agit d'interroger le poids de ces politiques face à l'emprise nationale-socialiste. Peut-on aujourd'hui, à l'heure où certaines danses chorales composées sous Weimar sont régulièrement recréés, défendre ces chœurs de mouvements Laban et à quelles conditions ?
ANAÏS LOISON-BOUVET
2018
Rencontres spectaculaires sous surveillance : Processus d'exclusion, de légitimation et d'intégration de l'œuvre agressive en danse contemporaine
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Ginot
Certaines œuvres de danse contemporaine (ou pluridisciplinaires) programmées dans les salles de spectacle françaises semblent conçues pour atteindre le spectateur et le faire vaciller en troublant ses repères moraux, sa stabilité émotionnelle voire son confort physique. Ces productions artistiques rencontrent de vives oppositions au sein de la presse qu'elle soit généraliste ou spécialisée en danse. Elles sont aussi la cible d'une dévalorisation moins visible, celle des esthéticiens qui les situent à la marge des esthétiques chorégraphiques légitimes. On leur reproche les violences qu'elles exerceraient sur les interprètes et l'agressivité qu'elles déploieraient à l'encontre du public. Ces condamnations, sous forme de procès d'intention, visent les artistes, les amateurs de ces représentations, mais aussi les danseurs qui la font exister sur scène. Elles se formulent au moyen d'éléments de langage voisins et suivent des logiques argumentatives similaires quels qu'en soient les émetteurs. Le canevas de cette rhétorique dépréciative est tissé de lieux communs qui lui accordent, de fait, une solide immunité contre son examen critique. Aujourd'hui stabilisée, cette typologie des démarches considérées comme fautives continue d'être alimentée par les propos de ceux qui ont la charge de les juger. Dans cette thèse, nous analysons la manière dont, au fil de ces discours d'expertise, se construit un portrait précis de l'œuvre de danse contemporaine délictueuse. Nous interrogeons les répercussions multiples de cette stabilisation du jugement négatif entourant certaines pratiques du regard - désir de montrer, désir de se montrer, et désir de voir les œuvres - et ciblant précisément les pièces chorégraphiques considérée comme violentes.

FERNANDO LÓPEZ RODRíGUEZ
2019
Mutations du désir en danse: tablao et flamenco contemporain. Genre, contextes de production et catégories esthétiques (Espagne 1808-2018)
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Launay ; co-direction de Mahalia Lassibille
Cette thèse s'interroge sur le surgissement de la danse flamenca contemporaine en Espagne dans les années 1990-2000. Cette danse est ici analysée comme un phénomène artistique qui naît en réaction à la danse flamenca dite traditionnelle produite dans des tablaos à partir des années 1950. Les tablaos, qui offrent des spectacles de flamenco pour des touristes, sont analysés depuis le moment de sa création jusqu'à l'actualité ainsi qu'en rapport avec le café chantant, son ancêtre esthétique (1850-1920), ayant comme perspective principale d'analyse celle des études de genre.

Dans le premier chapitre, en jouant sur le double sens du mot « genre », je détermine à la fois l'instauration du genre « danse flamenca » et les déviations des normes de genre (esthétiques et sociales), qui surgissent de manière simultanée à son établissement. En respectant un axe à la fois chronologique et thématique, j'analyse les continuités et les discontinuités entre deux dispositifs de « danse flamenca traditionnelle » : celui du café chantant (1850-1920) et celui du tablao (surgit en 1954) jusqu'à la mort du dictateur Franco en 1975, ainsi que les normes de genre auxquelles ils participent.

Dans le deuxième chapitre, le focus est mis sur l'apparition de la « danse flamenca contemporaine », en explicitant autant les facteurs contextuels qui ont favorisé sa naissance (entre 1975 et 1990) que les motivations personnelles des artistes et les enjeux esthétiques à l'œuvre, en dialogue direct avec la « danse flamenca traditionnelle » telle qu'elle a été inventée par le dispositif du tablao et que j'ai analysée dans le premier chapitre. Dans un dernier temps, j'analyse les conséquences esthétiques et communautaires qu'un tel phénomène a produites chez les différents acteurs du milieu flamenco.

Dans le troisième chapitre, en me focalisant sur une période beaucoup plus restreinte, de 2008 à 2018, qui correspond aussi à la période que j'ai vécue comme artiste, je montre les effets que la crise économique de 2008 a eus dans le milieu du flamenco et comment les artistes ont dû développer une diversité de stratégies de survie qui se sont traduites par une complexification des positionnements esthétiques à partir des éléments construits pendant la période antérieure des années 1990 et 2000.

Le développement de cette recherche s'articule aussi à l'analyse de trois études de cas en relation directe avec mon travail artistique, et s'achève sur un épilogue dansé qui décrit "Pensaor", pièce chorégraphique créée en parallèle à la thèse écrite où je « performe ma recherche ». Les études de cas, qui accompagnent chacun des chapitres, ont été choisies en relation avec trois moments de ma vie d'artiste-chercheur où j'ai assemblé, d'une manière ou d'une autre, recherche et création. Le premier cas, "Gestes d'aller et retour", parcourt un récital donné par Antonia Mercé La Argentina à Tokyo en 1929, la pièce "Hommage à La Argentina" présentée par Kazuo Ohno, aussi à Tokyo, en 1976, et la pièce "H2Ohno" ("Hommage à l' « Hommage à La Argentina » de Kazuo Ohno") créée par moi-même en 2014 pendant mon Master 1. Le deuxième cas, celui sur la farruca, englobe une partie des farrucas analysées dans mon mémoire de Master 2 (2015) en relation avec les codes de genre en danse flamenca et leur évolution avant, pendant et après le Franquisme. Il comprend aussi la pièce "Bailar en Hombre" (« Danser en Homme ») que j'ai présenté publiquement en 2015 à Madrid, un mois avant de soutenir mon mémoire de Master 2.
POLINA MANKO
2023
Danser au temps de la révolution d'Octobre. Les studios d'Inna Tchernetskaïa, de Ludmila Alexeïeva et de Kassian Goleïzovski (1917-1928)
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Launay
Cette recherche met en lumière les pratiques chorégraphiques des protagonistes largement méconnus de la « nouvelle danse » russe qui a connu un essor suite à la révolution d'Octobre 1917. L'étude porte sur trois cellules de recherche chorégraphique : le studio de danse moderne « synthétique » d'Inna Tchernetskaïa, le studio de gymnastique harmonique de Ludmila Alexeïeva et le studio de nouvelle danse classique de Kassian Goleïzovski, appelé également le Ballet de Chambre de Moscou. En se revendiquant comme des « laboratoires » du mouvement, ces studios proposent des regards critiques sur la réitération de gestes-clichés dans la création chorégraphique ainsi que les moyens d'y remédier. En même temps, les visions qu'ils défendent ne sont pas sans susciter des tensions avec la direction idéologique prise par le nouveau pouvoir bolchévique. Ces pratiques s'accommodent mal aux nouvelles normes esthético-idéologiques ; au contraire, elles résistent, consciemment ou inconsciemment, à une « soviétisation » de la danse imposée d'en haut. Ainsi, durant les années 1920, elles sont progressivement marginalisées par le régime et transformées en « fantômes » de l'histoire soviétique. En retraçant le parcours de ces studios dans la première décennie après la révolution d'Octobre, nous cherchons à élucider leur double fonction critique : artistique - à travers une émancipation des codes esthétiques existants, et politique - à travers une résistance, ne serait-ce que souterraine, à certains dogmes idéologiques du pouvoir soviétique.
HÉLÈNE MARQUIÉ
2000
Métaphores surréalistes dans des imaginaires féminins
Doctorat, Dept danse de l'université Paris 8 sous la direction de Michel Bernard
Sous-titre : Quêtes, seuils et suspensions; souffles du surréel au travers d'espaces picturaux et chorégraphiques. Parcours dans les œuvres de Leonora Carrington, Leonor Fini, Dorothea Tanning, Martha Graham, Doris Humphrey et Carolyn Carlson.
ARMANDO MENICACCI
2003
La création et la pédagogie en danse face aux technologies. Expériences, réflexions, propositions
Doctorat, Dpt danse de l'université Paris 8, sous la direction de Philippe Tancelin ; codirection : Hubert Godard
MÉLANIE MESAGER
2021
L'entretien comme pratique chorégraphique. Étude des interactions verbales dans quatre œuvres quasi-ethnographiques
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Ginot
Direladanse de Sabine Macher, Ethnoscape de Cécile Proust, Autour de la table de Loïc Touzé et Anne Kerzerho, Les Situations construites de Tino Sehgal.
Cette étude a pour objet quatre œuvres artistiques composées par des chorégraphes qui revêtent la forme d'enquêtes quasi-ethnographiques et engagent des interactions verbales entre différents participants, sur le mode de l'entretien. Mon propos est avant tout de montrer que ces enquêtes sont des chorégraphies et les entretiens une de leur matière. À ce titre, la partition des interactions verbales, comme écriture de dynamiques sous-jacentes aux situations d'interlocution, participe de l'esthétique singulière de chaque œuvre. Selon un modèle emprunté à la sémiotique des interactions, mon étude s'emploie à représenter les partitions qui régissent les prises de parole dans chaque œuvre, et définissent ainsi le rôle des participants et la nature du risque qu'ils prennent à se parler. Les discours qui se construisent de cette façon dans chaque situation produisent du sens référentiel : les entretiens parlent du corps dansant, de la migration comme voyage, du geste au travail, d'anecdotes personnelles. Ce sens, qui tend vers un en dehors de l'œuvre, participe également de son esthétique, mais ne se comprend que dans le contexte de l'énonciation : il dépend à la fois des partitions d'interaction et du contexte chorégraphique dans lequel s'accomplissent les actes de langage. Ainsi défini, le sens référentiel construit différentes relations des œuvres à la réalité, qui peuvent aller de la représentation factuelle à une construction efficace de la réalité référentielle dans le temps de l'énonciation. Dans ce sens, mon étude s'attache, en dernière analyse, aux différentes façons qu'ont ces chorégraphies quasi-ethnographiques et les entretiens qui les composent d'habiter le monde et, ce faisant, de le transformer.
VALENTINA MORALES VALDES
2019
Une corporéité de la solitude. Pour une esthétique de la danse de Pina Bausch
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Ginot
En tant que danseuse-chercheuse, ma question de départ est de comprendre le geste et la corporéité-dansante de Pina Bausch pour définir les éléments fondateurs de son style. Pour mieux me concentrer sur le geste, je travaille sur la figure du « solo » chorégraphique.
La première partie de la thèse rend compte d'abord du parcours biographique et de sources gestuelles de Pina Bausch qui remontent à sa formation au sein de la Folkawangschule à Essen,entre 1955 et 1960, et à New York, entre 1960 et 1962, au sein de la Juilliard School. Dans un deuxième chapitre, je propose une périodisation de l'oeuvre de la chorégraphe depuis qu'elle prend la direction du Tanztheater Wuppertal en 1973.
Dans la deuxième partie, j'analyse les seuls deux soli dansés par Pina Bausch avec sa compagnie - Café Müller (1978) et Danzón (1995) - et dans la troisième partie, trois solidansés par ses interprètes, dans : Le Sacre du printemps (1975), Nelken (1982), et ...como el musguito en la piedra ay si, si, si...' (2009).
De là a émergé, parmi les éléments de cette corporéité-dansante, la question de la solitude qui problématise les notions de solo, solitude et être-ensemble en danse. A savoir, comment « danser-tout-seul » et « danser-ensemble » deviennent des possibilités d'habiter l'espace scénique au-delà du nombre d'interprètes sur scène ? À quelle condition, la notion de solitude chez Pina Bausch constitue, non pas une « thématique » visant à expliquer ses pièces mais une forme de corporéité fondatrice de sa danse ? Quelles sont les particularités de ce style qui réside autant dans la corporéité de Pina Bausch - en tant que danseuse - que dans celle de chacun de ses interprètes ?

A corporeality of loneliness
For an aesthetic of Pina Bausch's dance
As a dancer researcher, my point of departure is to comprehend Pina Bausch's move and dancing corporeality in order to define the founding elements of her style. To improve my focus on the move I work on the figure of the choreographic solo.
The first part of the thesis realizes firstly the biographical path and the source of Pina Bausch moves dating back to her training within Folkawangschule in Essen, from 1955 to 1960,and in New York, from 1960 to 1962, within Julliard School. In a second chapter, I propose a periodization of her work starting after she took charge of Tanztheater Wuppertal in 1973.
In the second part, I analyze the only two soli dances by Pina Bausch with her company - Café Muller (1978) and Danzón (1995) - and in the third part, three soli dances by her interpreters , in : The Rite of Spring (1975), Nelken (1982), and ...como el musguito en la piedra ay si, si, si...' (2009).
From this, among all the elements of this dancing corporeality, emerges the question of solitude that problematizes the notions of solo, solitude, loneliness and being together in dance.
Namely, how do dancing-all-alone and dancing-together become the possibilities to inhabit the scenic space beyond the number of interpreters on stage ? Under what condition, do Pina Bausch's notion of solitude constitute not only a topic to explain her pieces but a sort of founding corporeality to her dance ? What are the particularities of her style that reside equally in Pina Bausch's corporeality - as a dancer - and in each of her interpreters ?
SYLVIANE PAGÈS
2009
La réception des butô(s) en France. Représentations, malentendus et désirs
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Launay et Jean-Marie Pradier
Le butô, forme chorégraphique élaborée au Japon dans les années 1950-60, est introduit en France à la fin des années 1970, s'inscrivant dans l'histoire des nombreux transferts chorégraphiques qui ont jalonné le XXe siècle. Cette thèse est consacrée à l'étude de son processus de réception, envisagée comme l'analyse des discours sur le butô, des représentations et méconnaissances qu'ils ont construites et véhiculées, et de leurs effets dans la danse contemporaine. Le contexte de réception est présenté en amont, par l'étude des étapes de cette introduction et de ses lieux d'accueil, ainsi que des réactions critiques et de l'historiographie. L'analyse des bouleversements institutionnels et esthétiques de ce contexte révèle alors comment le butô est devenu un événement médiatique et artistique fascinant mais propice aux malentendus.
Le deuxième temps de la thèse approfondit l'analyse des discours critiques sous l'angle de l'histoire culturelle, par la déconstruction des représentations dominantes du butô : son association systématique à Hiroshima et sa construction exotique. En étudiant ces deux principaux lieux communs inscrits dans l'histoire des représentations françaises du Japon, il s'agit de comprendre les cadres historiques et culturels qui orientent les regards sur les corporéités dansantes.
La dernière partie de la thèse aborde les effets du phénomène butô sur les imaginaires et les pratiques des danseurs et chorégraphes en France. Si les discours ont construit le butô comme altérité radicale et comme une danse exotique, ses appropriations par les danseurs contemporains révèlent toute la proximité du butô avec la danse contemporaine et surtout avec son histoire moderne ou expressionniste. Ainsi un regard plus précis sur le geste permet de comprendre que le butô a introduit une déstabilisation des postures, un affaissement des corps dans la danse contemporaine, et a surtout rendu visible un geste expressionniste et une esthétique spectrale, alors occultés dans la danse en France.
MÉLANIE PAPIN
2017
1968-1981 : Construction et identités du champ chorégraphique contemporain en France. Désirs, tensions et contradictions
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Launay
Cette recherche tente de mettre en évidence les mécanismes d'émergence de la danse contemporaine en France entre 1968 et 1981. Animés par un désir émancipateur de vivre et de danser particulièrement intense dans l'après Mai-68, les danseurs mais aussi journalistes, administrateurs ont produit des micropolitiques au travers desquelles leurs actions collectives et militantes, leurs désirs de pratiques et de danse ont permis de sédimenter, sans pour autant défaire les tensions et la contradictions visibles dès les années 1950, le champ chorégraphique contemporain.
Avant d'aborder Mai 68 dans notre première partie, nous dressons un état des lieux du champ chorégraphique dans les années 1950 et 1960 afin de comprendre les conditions d'apparition de cette communauté encore fragile, confrontée à une bataille autour de la notion de modernité entre les tenants d'un héritage « classique » et ceux d'un héritage « moderne ». Si Mai 68 est ensuite envisagé comme un moment politique pour la danse, ses effets « culturels » s'inscrivent tout au long des années 1970. D'abord, ils rendent possible l'accueil des modernités venues des Etats-Unis. Puis, ils favorisent l'installation de modes de production et d'organisation autogérés et collectifs ainsi que des modes de militance en faveur de l'amélioration des conditions de vie et de création. À bien des égards, cette organisation du champ chorégraphique, par les marges et les « forces discrètes », a contribué à ce que l'on a appelé « l'explosion de la Nouvelle danse française » des années 1980.

1968-1981: Construction and identities of the contemporary choreographic field in France. Desires, tensions and contradictions
This research tries to place in a prominent position the mechanisms of emergence of the contemporary dance in France between 1968 and 1981. Livened up by a desire emancipator to live and to dance particularly intense in the after 1968, the dancers but also journalists, administrators produced micropolitics through which their collective and militant actions, their desires of practices and dance allowed to sediment, without undoing the tension and visible contradictions from the 1950s, the contemporary choreograpic field.
Before enter upon 1968 on our first part, we draw up an inventory of the choreographic field in the 1950s and 1960s to understand the condition of appearance of this still fragile community, confronted with a battle around the notion of modernity between the upholders of a « classic » legacy and those of a « modern » legacy. If 1968 is then envisaged as a political moment for the dance, its « cultural » effects join troughout 1970s. At first, they make possible the reception of the modernities come from the United States. Then, they favor the installation of self-managed and collective modes of production and organization as well as modes of militance in favour of the provement of the conditions of life and creation. In some respects, this organization of the choreographic field, by the margins et the « discreet strengths », contributed to what we called « the explosion of the New French dance » in the 1980s.
JULIE PERRIN
2005
De l'espace corporel à l'espace public
Doctorat, université Paris 8, sous la direction de Philippe Tancelin. Codirection : Isabelle Ginot
Cette recherche interroge la relation esthétique engagée par l'échange théâtral. Theatron. L'étymon grec de « théâtre » désigne d'abord le lieu d'où l'on regarde, autrement dit, le lieu où se tient le public de la représentation. Il ne désignera qu'ensuite le public lui-même, puis le spectacle. Il s'agit d'articuler ces trois notions : celle du lieu, celle de l'œuvre chorégraphique et celle du public. On s'intéresse à la façon dont le dispositif théâtral suppose une activité perceptive qui va constituer la communauté réunie ; autrement dit, à la façon dont l'invention des spatialités de l'œuvre induit des modes de perception qui vont donner forme à un public singulier. L'enjeu est tout autant esthétique que politique ; il relève d'une pensée du Sujet et de la relation à l'Autre, contenue dans l'œuvre même. Car chaque création forge un public spécifique dont l'expérience sensible s'accompagne d'une certaine conception de la communauté, invitant à ré-envisager les conditions de son organisation.
Comment la question spatiale vient-elle nourrir la nature de l'échange avec l'œuvre ? Comment le souci du lieu, et plus largement des espaces, détermine-t-il la relation à l'Autre ? Si l'architecture du bâtiment structure la relation, chaque œuvre est susceptible d'en redessiner les contours et d'orienter les modalités de l'échange. Parce que les pratiques de l'interprète - son orientation, ses modes d'adresse, l'amplitude et la direction de son mouvement, la nature dynamique, rythmique, pondérale de son geste... - superposent à l'espace architecturé d'autres configurations, l'œuvre fait apparaître une spatialité feuilletée : la structure du bâtiment, l'installation scénographique, la composition du mouvement (tant le dessin chorégraphique des trajets, que la nature du geste et du regard - la projection) se combinent, laissant surgir un territoire propre chaque création.
C'est à partir de ce territoire que se dessine, en creux, le public à l'œuvre. Loin d'une approche strictement sociologique des publics qui enquêterait auprès des spectateurs (recueil de données démographiques, économiques, géographiques ou culturelles), cette recherche choisit donc de réfléchir à la notion de public à partir de l'analyse de l'œuvre chorégraphique - une analyse, non seulement soucieuse d'un contexte historique et social, mais qui concentre particulièrement son attention sur les structures de l'œuvre, ses inventions figuratives et ses ressorts esthétiques. Il ne s'agit pas de savoir qui va au théâtre, mais de comprendre comment l'œuvre pense le collectif qui s'assemble devant elle, exigeant de lui qu'il se réinvente selon les formes, les expériences ou le rapport au monde qu'elle génère.

Un premier temps de cette recherche inscrit la méthode d'analyse adoptée dans le champ plus large de l'étude du public des œuvres d'art, et expose les modalités d'analyse du public à travers l'examen resserré des spatialités de l'œuvre chorégraphique. Il s'agit de réfléchir à la notion de passage - le passage de l'œuvre à son public - avec l'aide d'outils critiques dégagés par des auteurs qui renvoient également l'étude du public à celle de l'œuvre. Ou, plus exactement, qui déduisent, des dispositifs spatiaux de l'œuvre, les trajets de regard qu'elle suscite et la place assignée au regardeur. Les études chorégraphiques tirent ici partie des travaux esthétiques d'historiens d'art, en particulier dans le domaine pictural et cinématographique : dans la lignée de Louis Marin, Pierre Francastel ou Daniel Arasse, un certain nombre de chercheurs ont engagé des travaux à même de nourrir cette réflexion.
C'est ainsi que le second temps de cette recherche, qui donne lieu à l'analyse de cinq œuvres chorégraphiques, s'applique à ré-articuler aux matériaux plus courants de la critique des arts de la scène (plateau, rampe, kinesphère, trajets...), les notions de cadres, figures et fond, propres au domaine pictural. La réflexion sur les spatialités des œuvres du corpus - Self-Unfinished de Xavier Le Roy (1998), Trio A d'Yvonne Rainer (1966), Suite au dernier mot : au fond tout est en surface d'Olga Mesa (2003), Con forts fleuve de Boris Charmatz (1999) et enfin Variations V de Merce Cunningham (1965) - conduit à une interrogation quant à la figure et sa défaite. Car ces œuvres déclinent successivement des régimes de visibilité qui mettent à mal l'évidence de la figure. Que ce soit par la remise en cause du cadre, des frontières, de la forme, de la lisibilité, ou de la hiérarchie de la scène, le doute quant à la figure (son brouillage, sa disparition, son engloutissement, sa défiguration...) relève toujours d'un questionnement sur la position et la représentation du sujet. Il déplace le champ traditionnel du récit et de la figuration et exige du public qu'il se réinvente face à l'œuvre.
Parce que l'inscription de la figure, ou son effacement, témoigne d'un rapport à ce qui l'entoure, de la construction d'un territoire propre et de celui accordé à l'Autre en retour, elle modèle la relation théâtrale et définit le statut du Sujet regardeur. Celui-ci, dans les œuvres du corpus, sera tour à tour déjoué, distancé, happé, repoussé, délaissé. Que l'œuvre le conduise ou l'abandonne, l'interroge ou semble l'ignorer, le public devra sans cesse produire des trajets perceptifs renouvelés, susceptibles de forger une nouvelle communauté sensible et politique.

From body space to public space

Every choreographic work is conceived with a specific audience in mind, and the connection between work and audience is established by the aesthetic approach chosen by the choreographer. While this link can be made in various ways, this study will focus specifically on space and the manner in which space influences the concept of otherness and the Self. How does the effective use of space, be it performance, choreographic or body, enrich and shape the exchange it engages in with the choreographic work?
The theoretical propositions in the first part of this study will be followed by and confronted with the analysis of five singular works. Self-Unfinished by Xavier Roy (1998), Trio A by Yvonne Rainer (1966), Suite au dernier mot: au fond tout est en surface by Olga Mesa (2003), Con forts fleuve by Boris Charmatz (1999) and Variations V by Merce Cunningham (1965) offer the possibility of a more thorough examination of the passage from body space to public space.




JULIE PERRIN
2019
Questions pour une étude de la chorégraphie située, vol. 1 : Synthèse des travaux 2005-2018, vol. 2 : Publications 2005-2019 (sélection)
Habilitation à diriger des recherches, Université de Lille, 2019
téléchargeable ici : https://hal-univ-paris8.archives-ouvertes.fr/tel-02208299
Cette habilitation à diriger des recherches intitulée « Questions pour une étude de la chorégraphie située » présente les principaux jalons, de 2005 à 2018, d'une recherche sur la danse contemporaine occidentale. Elle est composée de deux volumes. Le second rassemble une sélection des publications entre 2005 et 2019, à laquelle il faut ajouter trois ouvrages personnels et deux directions d'ouvrages joints à part.
Le premier volume propose de réfléchir au trajet qui conduit aujourd'hui à travailler sur la chorégraphie située, c'est-à-dire sur des œuvres et des pratiques qui font du lieu et de la situation le ressort de la démarche artistique. Il s'organise en cinq chapitres, afin de rendre compte des différentes approches à travers lesquelles l'art chorégraphique a été envisagé et de cinq questions qui animent précisément la réflexion sur la chorégraphique située.
L'esthétique de la danse est le cadre premier à partir duquel se définissent la posture de recherche et l'examen de la relation spectaculaire. Pourtant, la chorégraphie située met bien souvent à mal les conditions mêmes d'une analyse esthétique et incite à repenser la façon dont une œuvre nous regarde, en invitant plutôt à réfléchir à ce que serait une analyse chorégraphique de la situation. Ce cadre esthétique ouvre en effet à une première question : comment écrire sur des œuvres chorégraphiques qui n'offrent plus de danse à regarder ?
Deuxièmement, une démarche historique s'est affinée au fil de recherches successives allant du modèle monographique à l'enquête documentaire, en passant par l'approche transculturelle. Elle engage aujourd'hui une réflexion sur l'histoire et les archives de la chorégraphie située : comment appréhender une histoire de la chorégraphie située alors que la documentation des œuvres ou des pratiques échoue le plus souvent à rendre compte de leur matérialité propre ?
Troisièmement, l'approche problématisée autour de la spatialité constitue le cœur de cette synthèse : elle permet de penser l'articulation entre espace et attention. Il s'agit de réfléchir aux formes spatiales de l'art chorégraphique et aussi aux modes d'existence que ces formes sont susceptibles d'inventer. Lorsque la chorégraphie située, en particulier, propose de s'engager en acte avec l'espace, elle invite à saisir des dimensions à chaque fois spécifiques de la situation. De là découle une troisième question : quelles relations une œuvre chorégraphique peut-elle établir avec une situation non-théâtrale ?
Quatrièmement, l'enquête sur la fabrique des œuvres, conduite selon différentes méthodologies de travail depuis 2005, vise une meilleure compréhension des pratiques dansées et chorégraphiques. Elle invite alors à réfléchir plus précisément aux façons dont la chorégraphie située compose avec le réel : comment des situations sont-elles composées à partir d'un acte chorégraphique ?
Enfin, la réflexion sur la place et la poétique des discours d'artistes chorégraphiques constitue une façon d'approfondir la compréhension des enjeux de la danse, mais aussi de dévoiler les formes écrites et éditoriales par lesquelles elle se manifeste également. Il s'agit alors de se demander comment ces formes nous donnent à voir des mondes, surgis de la rencontre des expériences dansées et de l'exercice même d'écrire. Autrement dit, comment se noue l'analyse des écrits et des livres d'artistes chorégraphiques à une recherche sur la chorégraphie située ?
Cette synthèse rend ainsi compte de cinq mouvements qui permettent de tisser les différents aspects d'une recherche sur la chorégraphie située. Chacun de ces mouvements répond à une logique propre, à des circonstances particulières qui ont orienté la recherche. En effet, la synthèse revient sur les conditions de son développement : les rencontres artistiques et intellectuelles déterminantes, le contexte même du champ chorégraphique et les questions que les œuvres ou les artistes soulèvent, enfin l'essor des études et recherches en danse depuis vingt ans sans lequel cette recherche n'aurait pas vu le jour.
CHRISTINE ROQUET
2002
La scène amoureuse en danse ; codes, modes et normes de l'intercorporéité dans le duo chorégraphique
Doctorat, Dpt danse de l'université Paris 8, sous la direction de Philippe Tancelin. Co-direction : Hubert Godard
VIOLETA SALVATIERRA
2020
L'atelier de danse et d'éducation somatique comme espace d'expérimentations micropolitiques
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Ginot
Cette recherche porte sur l'usage de pratiques corporelles du champ de la danse contemporaine et des techniques somatiques dans des contexte de soin et de précarité sociale. À travers trois études de cas, elle s'intéresse à la manière dont de telles pratiques peuvent soutenir des processus de subjectivation aux potentiels émancipateurs. Proches des dispositifs de recherche-action, elles proposent une diversité d'outils méthodologiques et de postures de recherche. Les trois expériences, qui composent les trois parties de la thèse, sont : un projet d'ateliers hebdomadaires de la méthode Feldenkrais dans un service d'Appartements de coordination thérapeutique (A.C.T.) à Kremlin-Bicêtre ; une intervention avec des ateliers d'éducation somatique et de danse dans un club thérapeutique parisien, dans le champ de la psychiatrie ; et l'expérience de partage d'une pièce chorégraphique, Legacy (2015), de Nadia Beugré, avec un groupe de femmes, habitantes d'Aubervilliers, dans le cadre du projet expérimental de médiation artistique, porté par le CND, nommé IMAGINE.
GUILLAUME SINTES
2015
Préfiguration, structuration et enjeux esthétiques du métier de chorégraphe (France, 1957 - 1984). Une histoire administrative, réglementaire et politique de la danse
Doctorat, université Paris 8, sous la direction d'Isabelle Launay
De l'inscription dans la loi française de la reconnaissance de son statut d'auteur (le 11 mars 1957) à la publication de la définition légale de sa fonction au Journal Officiel (le 1er janvier 1984), une génération de chorégraphes a construit les contours, les modalités et les conditions d'un métier. Ce combat s'est traduit par un engagement syndical de longue haleine pendant les années 1960 et 1970. Réuni au sein du Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC), un groupe de chorégraphes a travaillé à l'élaboration de rapports, d'enquêtes et d'études qui ont abouti à l'organisation professionnelle du champ chorégraphique, permettant ainsi à la « nouvelle danse française » qui lui succédera dans les années 1980, d'obtenir une considérable visibilité esthétique et de marquer de son empreinte l'histoire culturelle et artistique.
Rendre compte des progrès sociaux comme des configurations et reconfigurations du métier de chorégraphe en France, c'est aussi rendre compte de la structuration du champ chorégraphique dans son ensemble. Pour ce faire, la présente thèse pose trois hypothèses liées les unes aux autres. La construction du métier de chorégraphe s'organiserait autour de trois axes : reconnaissance juridique et administrative du statut d'auteur, mise en place d'une politique culturelle et économique de la danse, réglementation de l'enseignement de la danse. Chacune de ces trois thématiques correspondrait ainsi à trois étapes de la construction du métier de chorégraphe, lesquelles répondent à une chronologie distincte mais concomitante : préfiguration, structuration et enjeux esthétiques du métier. Enfin, chacune de ces étapes aurait induit la stratification politique de trois types de statut : juridique, socio-économique, artistique.
Cette recherche s'ouvre sur les apports et limites de l'historiographie juridique du droit d'auteur du chorégraphe. L'étude de cas de l'un des litiges constitutifs de cette jurisprudence permet de replacer dans une perspective culturelle et sociale l'émergence du syndicalisme en danse (à l'Opéra de Paris). Puis, l'analyse des textes législatifs nationaux et internationaux (loi du 11 mars 1957 et Convention de Berne) conduit à considérer la manière dont le champ chorégraphique s'est saisi des débats autour du droit d'auteur lors du Premier Congrès Mondial des Chorégraphes (Aix-les-Bains, juillet 1957) pour affirmer une auctorialité en danse. De la pensée développée par Serge Lifar à partir de son Manifeste du Chorégraphe (en 1935) aux travaux des chorégraphes membres du SNAC pour la reconnaissance de leur statut d'auteur par la SACD (au cours des années 1960 et 1970), est ainsi dressé le portrait du chorégraphe en auteur. Dans un deuxième temps, le projet lifarien d'une organisation professionnelle de la danse (initiée, à l'Opéra de Paris, dans une Académie chorégraphique et mise en application dans un Institut chorégraphique) est relié aux travaux des chorégraphes membres du SNAC menés dans le sens d'une politique d'ensemble de la danse en France, pendant les années Malraux. Il s'agit également de démythifier l'idée d'un désert (administratif) chorégraphique qui serait constitutif de l'ère pré-Lang, en rappelant les apports du Plan Landowski en faveur du développement de la danse, comme des décisions politiques et choix esthétiques d'un petit cercle d'individus qui ont œuvré aux ministères et secrétariats d'État aux Affaires culturelles pendant la décennie 1970. Enfin, l'étude des différents projets de réglementation de l'enseignement de la danse depuis la loi française du 1er décembre 1965, permet de révéler les enjeux politiques et esthétiques qui sous-tendent près de vingt-cinq années de négociation et ont contribué aussi à exacerber les oppositions (classique et moderne, professionnel et amateur, danse et sport) au sein du champ chorégraphique.
De sorte que la construction du métier de chorégraphe en France, mise en lumière par l'histoire administrative, réglementaire et politique ainsi proposée, procède autant du renforcement d'un statut d'auteur qu'elle exclut l'interprète de la création chorégraphique, valorise la professionnalisation du champ chorégraphique au détriment de l'amateurisme en danse, contraint les activités d'enseignement de la danse par une obligation de contrôle en déniant à l'éducation physique et sportive toute participation dans l'émergence d'une danse moderne en France.
De plus, la périodisation ainsi arrêtée (1957-1984) permet de reconsidérer les moments de rupture que constitue traditionnellement Mai 68 et Mai 81 dans l'histoire sociale et culturelle française. En effet, derrière ces deux dates, se cachent d'autres éléments et événements qui jouent en faveur de ce choix. L'année 1957 précède celle du départ définitif de Serge Lifar de l'Opéra de Paris. Il s'agit donc d'un moment de bascule dans l'organisation de la danse académique à l'Opéra et, au-delà, de l'ensemble du champ chorégraphique qui voit décliner, à compter de cette date, l'influence de celui qui cumulait depuis 1929 les fonctions de premier danseur, chorégraphe, professeur, maître de ballet et directeur du ballet de l'Opéra de Paris (et de danseur-étoile à compter de 1935) et incarnait de manière dominante la danse en France. À l'été 1957 est également organisé dans le cadre du Festival International de la Danse d'Aix-les-Bains, le premier Congrès Mondial des Chorégraphes qui a réuni des chorégraphes venus de tous les continents (Canada, Chili, États-Unis, France, Grèce, Israël, Italie, Maroc, Suède, Suisse, Tunisie, Yougoslavie, etc.) autour de la question de leur droit d'auteur. Quant à l'année 1984, c'est aussi celle de la mise en place des « 10 nouvelles mesures pour la danse » (dont celle, effective dès le 1er mai 1984, de la labellisation de compagnies de danse implantées en région en centres chorégraphiques nationaux qui incarneront les lieux de la « nouvelle danse française ») présentées par Jack Lang lors de sa conférence de presse du 26 avril. En arrêtant l'étude à cette date, l'hypothèse de la continuité de l'action de l'État dans les domaines de la politique culturelle et de l'enseignement de la danse, notamment, sur l'ensemble de notre période (malgré l'alternance politique) est ainsi affirmée. D'autre part, le quart de siècle qui sépare 1957 à 1984, correspond aussi au temps d'une génération, née dans les années 1930, qui prend le relais par son engagement syndical d'une pensée qui s'enracine dès les premières expériences chorégraphiques du début siècle et se réactive avec les événements de 1968. En ce sens, Mai 68 ne serait ni une naissance, ni une révolution mais un élan, une accélération, un second souffle.
La construction du métier de chorégraphe qui s'élabore, en France, de la fin des années 1950 au seuil des années 1980, est d'abord celle d'un statut. D'un statut social. Et la description qui en a été faite est allée de pair avec celle des conditions économiques et sociales - mais aussi institutionnelles et réglementaires - de la structuration du champ chorégraphique. Par l'analyse des travaux du groupe des auteurs chorégraphes du SNAC, l'approche de cette thèse est aussi celle d'une étude de cas du syndicalisme en danse. Ainsi, s'élabore par cette étude une histoire administrative, réglementaire et politique de la danse en France qui éclaire une période de l'histoire contemporaine de la danse jusqu'ici non étudiée.
JACKIE TAFFANEL
1994
L'atelier du chorégraphe
Doctorat, Dpt danse de l'université Paris 8, sous la direction de Michel Bernard
CATHERINE THOMAS
1995
Danse contemporaine : le hasard comme processus de création
Doctorat, Dpt danse de l'université Paris 8, sous la direction de Michel Bernard
JOËLLE VELLET
2003
Étude des discours en situation dans la transmission de la danse. Discours et gestes dansés dans le travail d'Odile Duboc
Doctorat, Dept danse de l'université Paris 8, sous la direction de Philippe Tancelin; codirection: Hubert Godard